En janvier 2005 on pouvait déjà noter:
"Et, de sources proches du gouvernement, on parle désormais de licenciements et d'une privatisation partielle avec l'ouverture du capital à un partenaire « naturel », le groupe de transport STEF-TFE, coactionnaire de la CMN avec la SNCM"
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Portrait complet de la SNCM : « S'adapter ou mourir : la compagnie maritime dans la tempête» [ 26/09/05 - 12H19 ]
Près de trente ans après sa création pour assurer le service public de la desserte maritime de la Corse, la SNCM affronte la plus grave crise de son histoire. Fragilisée au plan financier, elle a subi de plein fouet l'offensive de la concurrence et deux importants conflits sociaux. C'est toute sa structure et son fonctionnement qui sont aujourd'hui remis en cause. (Les Echos du 26/01/05) Pour 2004, la SNCM devrait enregistrer un déficit de l'ordre de 30 millions d'euros et, pour la première fois, le trafic vers le Maghreb devrait représenter la moitié de ses recettes.Alors que les rumeurs les plus alarmistes courent, la direction de la SNCM présente aujourd'hui, au comité d'entreprise, son projet pour redresser la barre. L'année 2004 s'est en effet soldée par des comptes catastrophiques, avec un déficit de l'ordre de 30 millions d'euros au lieu des 4 millions de bénéfices prévus. Une partie de ces pertes est due aux deux importants conflits sociaux déclenchés par le Syndicat des travailleurs corses (STC), en mars et surtout en septembre. Ce mois-là, les navires ont été immobilisés pendant deux semaines, provoquant le départ vers la concurrence de 100.000 passagers et l'obligation pour la SNCM de verser 5 millions d'euros de dédommagements à la collectivité corse. Mais la compagnie a aussi été confrontée à sa première crise conjoncturelle depuis près de dix ans, liée à une baisse de 15 % de la fréquentation de la Corse l'été dernier et à la hausse des prix du pétrole. Sans oublier la concurrence toujours plus forte de Corsica Ferries, qui lui a ravi le titre de premier transporteur maritime entre l'île et le continent, avec 1.020.000 passagers contre 906.622. C'est pourquoi le gouvernement n'a pas hésité à faire part de son « extrême préoccupation ». Hier soir encore, plusieurs ministres réunis autour de Jean-Pierre Raffarin se penchaient sur le sujet.
Une compagnie créée par l'Etat
La SNCM est née en deux temps. En 1969, la Compagnie Générale Transatlantique fusionne avec la Compagnie de Navigation Mixte et donne naissance à la Compagnie Générale Transméditerranéenne. En 1976, celle-ci est rebaptisée « Société Nationale maritime Corse-Méditerranée » (SNCM), à la faveur de l'entrée de la SNCF dans son capital (25 %), au côté de la CGM (75 %). La part de la SNCF tombera à 20 % en 1978, puis à 6,98 % en 2003, à l'issue de la recapitalisation de 66 millions d'euros opérée par l'Etat via la CGM. Dès 1976, la SNCM instaure des rotations plus nombreuses et un service minimum beaucoup plus important. Elle assure le transport de passagers, de voitures et de marchandises vers la Corse - c'est le service public - ainsi que des liaisons avec l'Algérie et la Tunisie toute l'année, et avec la Sardaigne pendant la période estivale. C'est toujours le cas aujourd'hui, mais en 2004, pour la première fois, le Maghreb aura représenté la moitié de ses recettes.
La collectivité corse maître du jeu
Instauré en 1976, le principe de continuité territoriale aligne les tarifs des transports maritimes sur ceux du kilomètre SNCF. Une convention est signée pour vingt-cinq ans entre l'Etat et la SNCM, conjointement avec la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN). Il s'agit de ne pas pénaliser les insulaires et les touristes. Et aussi de ne pas faire supporter des coûts prohibitifs aux approvisionnements en marchandises de l'île. En 1982, l'Etat transfère la gestion du système à l'Assemblée de Corse, avant que la loi Joxe de 1991 ne confie également à cette dernière la définition de la desserte. A travers l'Office des transports de la Corse (OTC), qui reçoit la dotation de compensation de continuité territoriale, la collectivité corse se retrouve donc maître du jeu. Afin de respecter la réglementation communautaire qui ouvre ce type de liaison à la concurrence, elle lance un appel d'offres européen. Objectif ? Sélectionner le transporteur qui opérera dans le cadre de la convention applicable au cours de la période 2002-2007. Mais la donne change par rapport à 1976. Dorénavant, seules les lignes au départ de Marseille pour le fret et les passagers sont soumises à des obligations fortes de service public et bénéficient de la subvention de continuité territoriale, tandis qu'une « aide sociale » destinée à faire baisser le coût de la traversée, calculée par passager, est attribuée à toutes les compagnies assurant les liaisons au départ de Nice et de Toulon. Seul candidat, la SNCM, en tandem avec la CMN, remporte le contrat. L'an dernier, l'OTC leur a versé respectivement 66 et 26 millions d'euros de subventions directes. La SNCM a par ailleurs touché 3,5 millions d'« aide sociale » et Corsica Ferries, 10,2 millions.
Un contexte social difficile
Les principales critiques contre la SNCM mettent en cause le statut de « fonctionnaire » de ses salariés et la fréquence des conflits sociaux. En fait, les personnels ont un statut de droit privé. « Il n'y a pas de protection statutaire, mais plutôt une tradition de rapport de forces et de dialogue social rigide », remarque un proche du dossier. S'y ajoutent les différences entre les sédentaires (environ 748 salariés) et les navigants ( 1.659 en 2003), régis par la convention de la marine de commerce. Mais, au fil des ans et des négociations, la SNCM s'est dotée d'un système social jugé plus favorable que celui de bien d'autres compagnies européennes en termes de ratio d'équipage et d'avantages sociaux, avec par exemple, chez les marins, 30 jours de congé pour 30 jours de navigation. Toujours majoritaire, la CGT a dû compter avec l'émergence du Syndicat des travailleurs corses (STC), créé il y a une vingtaine d'années. Proche des nationalistes, le STC fait parfois cavalier seul, comme lors des deux conflits de 2004, déclenchés afin d'obtenir une plus grande « corsisation des emplois » et à l'occasion desquels il a même demandé la création d'une compagnie régionale. Un discours très mal perçu par les autres salariés.
Une concurrence très agressive
Premier coup de tonnerre dans le ciel serein de la SNCM : l'arrivée du navire à grande vitesse (NGV) de Corsica Ferries, l'été 1996, sur la liaison Nice-Bastia. Cette compagnie, créée par le Bastiais Pascal Lota, desservait déjà l'île depuis 1968 avec des bateaux immatriculés au Panama, mais au départ de l'Italie. En 1999, elle accroît une nouvelle fois son offre en s'installant à Toulon, où elle exploite depuis 2004 trois car-ferrys rapides, les Méga Express, capables d'effectuer trois rotations quotidiennes en haute saison. Cette augmentation de capacité, conjuguée à une politique de prix très agressive - des billets à 5 euros - lui ont permis de devenir l'an dernier le premier transporteur maritime entre l'île de Beauté et le continent. « Nous avons démontré qu'une compagnie pouvait assurer la plus grande partie de la desserte de la Corse sans subvention publique », répète son directeur général, Pierre Mattei, qui milite discrètement pour le démantèlement de la SNCM. Ce message fait son chemin, à entendre le président de l'Assemblée de Corse, Camille de Rocca-Serra, déclarer, en octobre, qu'« il faudrait peut-être trouver une solution pour scinder l'activité corse et celle vers le Maghreb ». En face, les syndicats de la SNCM accusent « les jaunes » de pratiquer la vente à perte et parlent de concurrence déloyale, car le pavillon italien utilisé par Corsica Ferries offre des avantages importants en matière de charges sociales et de fiscalité. Ils soulignent aussi l'opacité des comptes de la compagnie privée, qui s'inscrit dans une nébuleuse d'une quinzaine de sociétés dont le holding, d'abord basé au Luxembourg, a été transféré en Suisse. Selon un rapport du cabinet Secafi Alpha, réalisé à la demande du comité d'entreprise de la SNCM, « la flotte, majoritairement non consolidée, masque 7 à 8 millions d'euros de déficit en 2003 ». En outre, la structure financière de Corsica Ferries serait fragile, et son modèle économique fondé sur « une croissance sensible des volumes avec des références tarifaires qui ne sont plus représentatives du coût du transport » ne pourrait mener qu'à une « guerre à mort ».
Accident de parcours ou effet structurel ?
« La mauvaise saison touristique de 2004 et les grèves expliquent une grande partie de nos problèmes, mais on ne peut pas baser l'avenir sur des chiffres purement conjoncturels », s'exclame Bernard Marty, élu CGT et secrétaire du comité d'entreprise de la SNCM. Avant même de connaître la teneur du plan que leur présente ce matin le président de la compagnie, les syndicats rejettent les scénarios catastrophes, plaidant l'accident de parcours en 2004. Cependant, la SNCM a déjà connu des trous noirs, en 1995 et 1996. A cause d'une baisse du trafic vers la Corse et surtout de l'arrêt des liaisons avec l'Algérie pour des raisons de sécurité, elle avait alors enregistré successivement 14,5 millions puis 19 millions d'euros de pertes. On a parlé à ce moment-là de la transformer en compagnie régionale, puis de supprimer 350 emplois et de céder deux navires. Le changement de gouvernement, le combat des syndicats en faveur du maintien de la desserte du Maghreb, enfin la relance du trafic avec l'île de Beauté ont fait renoncer à ces projets. Jusqu'à ce qu'en 2001 le plan d'entreprise cherche à réduire les coûts de structure en programmant 300 suppressions d'emplois, la vente de plusieurs actifs, le développement de l'activité vers le Maghreb et la croisière ainsi qu'une recapitalisation par l'Etat. Des mesures encore insuffisantes. Aujourd'hui, le comité d'entreprise estime que la concurrence et le coût spécialement élevé de la maintenance en 2004 expliquent environ un tiers du déficit enregistré l'an dernier, soit quelque 10 millions d'euros. Sans oublier le remboursement encore partiel par l'Etat des charges sociales des marins. Ce à quoi Bruno Vergobbi, président de la compagnie depuis février dernier, rétorque : « Nous devons encore réduire notre coût global de fonctionnement et faire la preuve de notre capacité à nous adapter à un nouveau contexte. »
Les scénarios possibles
La SNCM est donc confrontée à un défi à double détente : améliorer sa situation financière et se préparer ainsi à répondre au prochain appel d'offres. « On pourrait prendre des mesures d'adaptation légères, pousser les feux sur le commercial
et envisager des choix plus radicaux une fois défini le projet de la collectivité corse », lance Maurice Perrin, le secrétaire général de la CFE-CGC. Un tel scénario aurait les faveurs de la direction, qui a déjà annoncé une réduction de capacité sur Nice avec un seul NGV. Outre l'aménagement de certains avantages sociaux et de nouvelles cessions d'actifs (siège social, participation dans l'armement Sud Cargos), elle envisagerait aussi l'arrivée d'autres actionnaires. Mais des rumeurs venues de Paris comme de Corse évoquent des solutions beaucoup plus radicales. Ainsi, Raymond Ceccaldi, président de la CCI de la Corse-du-Sud, estime-t-il que la filialisation des activités de la compagnie permettrait de « vérifier le bon usage des subventions de continuité territoriale pour les activités avec la Corse ».
Et, de sources proches du gouvernement, on parle désormais de licenciements et d'une privatisation partielle avec l'ouverture du capital à un partenaire « naturel », le groupe de transport STEF-TFE, coactionnaire de la CMN avec la SNCM. Il semble cependant difficile de prendre de telles décisions sans connaître les prochaines attentes de la collectivité corse pour sa desserte. Or, le rapport élaboré à l'issue des tables rondes organisées par l'OTC, que « Les Echos » ont pu se procurer, rejette l'hypothèse d'une compagnie régionale. En revanche, il laisse ouverts tous les autres choix : du maintien du dispositif actuel, assorti d'une exigence de « service public minimum » pour fiabiliser le trafic, à la mise en place d'un service public au départ de Marseille et de la liberté commerciale au départ de Toulon ou de Toulon et Nice, en passant par l'institution d'un service de base entre Marseille et la Corse, ce qui reviendrait à cantonner le service public au seul fret. De quoi justifier une autre hypothèse évoquée depuis plusieurs semaines : la cession des ferries de la SNCM à l'armateur CMA-CGM pour la desserte du Maghreb,
et celle des cargos mixtes à la CMN, qui deviendrait le seul opérateur du service public. « Ce serait alors la porte ouverte au monopole «jaune» pour le trafic passagers », mettent en garde les syndicats.
BRIGITTE CHALLIOL NOTRE CORRESPONDANTE À MARSEILLE
http://www.lesechos.fr/sncm.htm
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